Loi "Solidarité et Renouvellement Urbain"
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Article paru dans "Le moniteur" du 02 nov. 2001
Loi SRU : Incertitudes dans la concertation

La loi du 13 décembre 2000 étend le champ d'application
de la concertation, mais elle n'en précise pas les modalités d'organisation.

L'essentiel

~ la loi SRU prévoit qu'une concertation doit être organisée avant toute élaboration ou révision d'un SCOT ou d'un PLU.

~ la population devra être entendue tout au long de la procédure et notamment au début, la phase de l'enquête publique subsistant par ailleurs.

~ Un point négatif demeure cependant : l'absence de définition d'un contenu minimal de la concertation.


A
vec la loi SRU (solidarité et renouvellement urbains), les administrés devraient pouvoir s'exprimer tout au long de la procédure d'élaboration et de révision des Schémas de cohérence territoriale (Scot) et des Plans Locaux d'Urbanisme (PLU).
Jusqu'alors, l'attitude de la population restait le plus souvent passive face à la réglementation de l'urbanisme, et la procédure d'enquête publique a montré ses limites (trop ponctuelle, trop brève, son efficacité est au surplus remise en cause par l'existence de l'étape du plan "rendu public" et opposable aux tiers, alors même qu'aucune enquête publique n'a encore eu lieu).

L'ÉLARGISSEMENT DU CHAMP D'APPLICATION

Une volonté de transparence
Aux termes de l'ancienne rédaction de l'article L.300-2 CU, "l'obligation d'organiser une concertation avec les habitants et les associations locales ne s'imposait, à la collectivité, qu'avant: toute modification ou révision du POS ouvrant à l'urbanisation tout ou partie d'une zone d'urbanisation future; toute création d'une zone d'aménagement concerté (ZAC) à son initiative et en cas de réalisation d'une opération d'aménagement réalisée par la commune ou pour son compte lorsque, par son importance ou sa nature, cette opération modifie de façon substantielle le cadre de vie ou l'activité économique de la commune".
Le juge administratif avait tendance à1 interpréter littéralement cet article. Il a pu juger, par exemple, que n'étaient pas soumises à concertation, l'application anticipée d'un POS (Conseil d'Etat, 10 novembre 1993: G JE Le Marmont) ou la réalisation d'un ouvrage routier dans la partie non urbanisée de la ville (Conseil d'Etat, 17 juin 1998: Bracqbien, Rec. Conseil d'Etat p. 235).
La loi SRU a modifié la rédaction du a) de l'article L 300-2 et désormais, une concertation devra être organisée avant "toute élaboration ou révision d'un Scot ou d'un PLU ".

Une plus large consultation
Ainsi, alors qu'avant la loi S R U , la population n'était consultée qu'une seule fois, lors de l'enquête publique, elle sera désormais entendue tout au long de la procédure d'élaboration et de révision des PLU (et des Scot) et notamment, dès le début de la procédure (la phase de l'enquête publique subsistant par ailleurs).
Ces dispositions s'inscrivent dans un mouvement général de démocratisation des procédures dans le sens d'une plus grande participation des citoyens. Ainsi en est-il du projet de loi relatif à la démocratie de proximité, lequel doit élargir de manière significative, la saisine et la compétence de la Commission nationale du débat public, qui deviendra autorité administrative indépendante. Notamment, les projets permettant la saisine de la commission pourront être des projets d'aménagement ou d'équipement sans forcément revêtir un caractère d'intérêt national.
Les dispositions des lois SRU et Démocratie de proximité pourraient ainsi utilement se compléter dans le sens d'une large consultation de la population lors de la mise en place des projets d'aménagement du territoire. Néanmoins, ce premier point, incontestablement positif, doit être nuancé car, pas plus que dans l'ancien régime, la loi SRU ne pose de règles pour l'orga-nisation de la concertation.

LES LIMITES DE LA CONCERTATION " NOUVELLE VERSION "

La loi SRU étend le champ d'application de la concertation, mais elle n'en précise toujours pas clairement les modalités d'organisation. La tentation restera donc grande, pour les collectivités, de n'organiser qu'une consultation minimum de la population, surtout que la jurisprudence en la matière est plutôt tolérante.
Ainsi, a été jugée suffisante, s'agissant d'une modification de POS, la concertation qui a consisté à "mettre le projet à disposition du public quelques jours avant l'approbation du projet et pour une durée de 15 jours seulement, le projet étant par ailleurs publié dans deux journaux locaux" (Conseil d'Etat, 28 septembre 1998: commune de Pont-Sainte-Marie). De même, la concertation relative à la ZAC Dupleix à Paris a été jugée suffisante, alors qu'elle n'a consisté qu'en deux réunions à six mois d'intervalle (Conseil d'Etat, 10 décembre 1993: Association pour l'aménagement de la ZAC Dupleix, p. 360). Pourtant, ces modalités d'organisation ne paraissent pas permettre une parfaite information de la population.
Actuellement, aucune disposition textuelle ne précise le contenu minimal à donner à cette concertation.
Tout dépendra donc de la bonne volonté des collectivités locales à mettre en place une véritable politique concertée de l'aménagement du territoire. Il conviendra, par exemple, de s'interroger sur le sort de la concertation lorsqu'il s'agira de faire passer une révision de PLU voulue par les élus mais promise à l'opposition de la population (installation d'une déchetterie...).
La mise en place d'un arsenal juridique ne suffit pas à attirer la population. Encore faut-il que cette dernière soit intéressée à la matière pour avoir envie de se prononcer. Si la concertation se borne à la mise à disposition du public, pendant quinze jours, d'un ensemble de documents peu compréhensibles, l'effet "transparence démocratique" risque de ne relever que du vœu pieux et cela, indépendamment du fait que cette concertation pourrait être, par ailleurs, tout à fait légale.
La concertation ne remplira son rôle d'outil de participation des administrés à l'élaboration des documents d'urbanisme (et donc, à l'aménagement du territoire de leur commune) que si les collectivités organisatrices se donnent les moyens d'intéresser leurs concitoyens, de leur faire prendre conscience de l'intérêt de cette démarche. Le succès et l'efficacité de la concertation dépendront du désir véritable des collectivités de faire participer la population.


Toutefois, celle-ci dispose d'une arme de taille: la saisine du juge administratif; à chaque fois qu'elle estimera avoir été insuffisamment consultée. L'obligation légale issue de la loi SRU d'organiser une concertation tout au long de la procédure d'élaboration et de révision des documents d'urbanisme, va lui donner de nombreuses opportunités.
En réalité, c'est un choix politique, stratégique, que devra prendre la collectivité: associer la population et lui permettre de suivre de près la procédure ou essayer de faire passer discrètement un projet.

UNE ARME À DOUBLE TRANCHANT


La nouvelle concertation sous l'empire de la loi S R U peut se révéler une arme à double tranchant pour les collectivités. En effet, si cette démarche peut désamorcer le risque contentieux en amont de la procédure, elle va également avoir pour conséquences d'informer complètement la population en la "mêlant" à l'élaboration du projet urbain.

Risques de contentieux
Quel est, en pratique, l'intérêt d'une concertation bien menée?
Il réside principalement dans la possibilité de désamorcer les conflits en amont de la procédure et de limiter ainsi les risques de recours à l'encontre du document d'urbanisme final. Il s'agit, en fait, d'une sorte de marché : la municipalité s'engage à prendre en compte l'avis de ses concitoyens et à les faire participer à l'élaboration du projet urbain mais, en contrepartie, la population s'engage, elle, à ne pas demander l'annulation du projet établi en commun. L'administration ne doit pas oublier, lorsqu'elle ne désire mettre en place qu'une concertation minimum pour des raisons de convenances personnelles (souvent politiques), qu'une concertation jugée insuffisante par la population risque d'engendrer des contentieux, et cela même si cette consultation est, d'un point de vue purement juridique, légale. Par exemple, on peut s'interroger sur le point de savoir dans quelle mesure un administré ou une association ne pourrait pas demander l'annulation de la délibération prescrivant l'élaboration ou la révision d'un document d'urbanisme parce qu'il (ou elle) aura estimé que les modalités de concertation prévues sont insuffisantes. En effet, la loi SRU fait obligation de mentionner les modalités de la concertation dans cette délibération. En tout état de cause, la multiplication des contentieux ne pourra que fragiliser et retarder les procédures. Dans cette optique, la collectivité a intérêt à veiller à ce que les modalités déterminées pour la concertation soient en mesure de satisfaire la population en lui permettant réellement de se faire entendre.

Une concertation a minima
Ainsi qu'il a été précédemment observé, la population avait tendance à délaisser les réunions organisées lors de l'enquête publique dans la mesure où elle ne se sentait souvent pas concernée. Ce désintérêt avait au moins l'avantage, dans certains cas, de permettre aux collectivités de faire passer des projets un peu sensibles sans trop de réactions.
Il est certain qu'une concertation élargie peut amener un plus grand nombre de personnes à s'intéresser au projet urbain, à vouloir s'exprimer, et ces personnes, qui ont été sollicitées pour donner un avis, seront certainement plus vigilantes quant aux orientations finalement adoptées par la collectivité, notamment s'agissant de la prise en compte effective de leurs observations. Or, cette volonté de "ne rien laisser passer" risque, en pratique, de se traduire par un nombre croissant de recours engagés à l'encontre des documents d'urbanisme et de la sorte, aboutir à l'effet inverse de celui recherché par la loi SRU.

La " juste " concertation
La "juste" concertation (ni trop lourde pour les collectivités, ni trop faible pour la population) devrait être parfaitement proportionnée à l'ampleur du projet soumis.
Ainsi, il a été jugé qu'une concertation d'un mois est suffisante dans le cas d'une DUP pour une route située dans un secteur urbanisé (CE, 3o septembre 1996 : Société de protection de la nature Sète-Frontignan, Balaruc p. 512). En revanche, une concertation de douze jours avec un registre en mairie et une réunion est insuffisante, s'agissant d'un grand projet de revitalisation de la station de Trebeurden (TA, Rennes, 29 avril 1993, consorts Tabures, GP, 17-18 juin 1994).
En outre, l'administration ne pourra se permettre d'approuver un projet trop différent de celui soumis à la population lors de la concertation. Dans le cas contraire, ainsi que le rappelle le Conseil d'Etat (copropriété Le Melchior, [8 mars 1994), une nouvelle concertation devra être menée (ou au moins, un complément de concertation) et un nouveau bilan devra être tiré.

CATHERINE HO.THANH, AVOCAT,
CABINET DE CASTELNAU .